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Date de mise en ligne : mercredi 13 octobre 2004 - 7 233 vues Championnat de France des sounds systems 2004 1/4 de finale - Pool B
8ème de finale - Pool B
Après quelques petites galères pour se repérer dans Ris-Orangis, c’est à l’heure quand même que nous arrivons pour assister à la deuxième poule de qualification du championnat de France de sound systems.
L’occasion pour nous de découvrir le nouveau berceau parisien de l’événement : le CAES. Désignée pour remplacer l’Espace Européen, amplement critiqué lors des précédentes éditions, cette salle est plus modeste, certes, mais aussi plus conviviale. Et à part quelques petits accrocs, la qualité du son était au rendez-vous !
A cette heure, la salle n’a pas fini de se remplir et, malgré le warm up efficace, le public semble encore tiède, dans l’attente de la suite… C’est Natty Tony, le MC de Junior Sound, qui a été choisi pour animer la soirée. Et dès qu’il s’empare du micro et incite les gens à se rapprocher, on sent que les choses sérieuses vont commencer…
 Natty Tony
Le MC remplit très bien sa tâche, en présentant les participants, puis en exposant brièvement le déroulement de la soirée et les règles (notamment, pas de sifflet, ni de corne de brume pour l’applaudimètre). Puis, il procède au tirage au sort, qui décidera de l’ordre de passage des participants, et pour cela requière la main innocente d’un membre du public. Plus que jamais, cette année, le championnat semble vouloir se placer sous le signe du fair-play.
L’ordre est donc le suivant : Ruff Lion, 220 Sound, Sun City, Blackwarrel et Subionic.
1ER ROUND : STRICTLY 45 (15 MINUTES)
C’est donc le sound Ruff Lion, de Lille, qui est chargé d’ouvrir les hostilités. En l’occurrence, c’est le selecta Nodread, qui représente le sound. Le MC Bïonik, le même qu’on a pu voir aux côtés de Sergent Garcia, est venu prêter sa grosse voix rauque pour animer ça. Une sélection 100 % reggae, ouverte par One love de Marley et Here I come de Dennis Brown, assure au sound la sympathie du public. La prestation est honorable, sans pour autant mettre vraiment le feu aux poudres. Le public semble mitigé, quasi inerte sur Don’t haffi dread de Morgan Heritage, puis euphorique sur Jah glory de Glen Washington ou Long long time de Jahmali. Même Barrington Levy, avec Black roses, et Tenor Saw, avec Golden hen, ne semblent pas parvenir à maintenir l’ambiance durablement. C’est là toute la difficulté du juggling, le public réagit à l’intro, puis souvent, derrière, plus rien. On notera quelques imperfections dans le set, mais un plaisir certain sur le visage de Nodread ; et puis ce n’est pas évident non plus d’ouvrir la partie. Ce qui n’est pas le cas pour tout le monde dans le public… Et les 15 minutes prennent fin.
Le niveau monte alors subitement de plusieurs crans, dès que Natty annonce le sound suivant : 220 Sound, de Caen. De toute évidence les supporters normands ont fait le déplacement en nombre et le forward est garanti d’un bout à l’autre du set. Le selecta Nico et le MC Killa B. semblent savoir que leurs massives sont présents et imposent d’emblée un style plus digital. Entrés sur Greetings de Half Pint et enchaînant sur des cuts dévastateurs de General Levy et Papa San, agrémentés d’un énorme pull up, les trois gaillards mettent littéralement le feu à la foule désormais bien dense. N’oubliant pas ses classiques (un très bon Rub a dub style de Dennis Brown), 220 se lance très vite dans un set plus moderne que le précédent, mêlant de gros riddims, comme le Joyride avec Beenie Man et Buju Banton, et des singles dévastateurs, comme Rainbow circle throne de Jah Mason. Le public est à point et quand survient le très soca Too badmind d’Elephant Man, c’est la folie furieuse ! Un énorme ganja tune de Daweh Congo finit de mettre les amateurs de tout bord dans la poche du sound et déjà, dans le public, des gens murmurent le nom de 220 sound comme celui du potentiel vainqueur de la soirée.
Natty a du mal à introduire le sound suivant, tellement les fans caennais font entendre leur soutien au 220, mais c’est au tour de Sun City d’entrer en piste. Le sound porte bien son nom puisque le selecta, Rosco, vient de Toulouse et que le MC, Prose, vient de Bordeaux. Cependant, ce n’est pas sous le signe du soleil que se place le set offert par les deux compères. Malgré une entrée originale avec un bel enchaînement sur le Herbalist riddim (Capleton / Uplifter, Jah Mason et l’énorme Sizzla, It’s all yours, pull up pour l’occasion), d’entrée de jeu, quelque chose semble clocher… Prose a l’air fatigué, pour ne pas dire absent. Quand Rosco laisse courir la version, le MC n’en profite même pas pour placer un petit mot. Il se contentera tout le long du set de chantonner timidement des bribes de lyrics, entrecoupés de quelques «Yeah !» pas très encourageants. La sélection suit son cours avec des tunes très beaux, mais un peu mous de Luciano ou de Half Pint. L’absence d’animation dissipe un peu le public. Certains en profitent pour aller récupérer du passage du 220 sound et même les tunes dancehall comme le très bon Hot for real de Danny English et Egg Nog sur le Bollywood riddim ne permettent pas de ramener une ambiance convenable.
Oublions très vite ce mauvais pas. Natty reprend alors le contrôle pour annoncer la suite. Les choses vont se corser, puisque Blackwarrel, le sound guadeloupéen qui doit jouer, n’est autre que le champion de France en titre. Entrée en tonnerre du MC Black Kimbo (digne remplaçant de Tiwony, absent) et de son selecta, avec de très bons cuts de Shabba, puis de Sanchez. Les gwadas reçoivent un très gros forward sur leur série-hommage à Jah Cure, avec Zion I await, Lion in this jungle avec Sizzla et Run come love me avec Jah Mason. C’est là que Blackwarrel commet une petite faute ; dans l’élan du forward que reçoit le magnifique Fade away de Junior Byles, le sound mixe Glen Washington sur le même riddim. Cependant, ce non moins magnifique Jah Glory avait déjà été joué par 220 et plusieurs personnes dans le public l’ont relevé… Ce n’est pas grand-chose et ça n’empêche pas Kimbo de rallumer les braises avec Solid as a rock de Sizzla, très bien senti ! Blackwarrel peut s’estimer fier de son premier round.
Le dernier sound a passé est parisien, et bien connu de la scène locale. Subionic entre en scène de manière sanglante, avec Murderer de Barrington Levy, puis un juggling violent de bons vieux cuts de Bounty Killer. Le forward est là encore au rendez-vous. Le sound calme alors un peu la foule, sans pour autant perdre son attention, ni diminuer son plaisir, en jouant quelques sons plus roots. S’en suivent alors une bonne série sur le Baba tunde riddim (Capleton, Luciano) et, là aussi, un petit hommage à Jah Cure, avec Sunny day et Jah bless me. Frenzy de Sanchez fait bien évidemment son effet et le set se termine sur une touche franchement plus hardcore avec le Scoobay riddim, une bonne floppée d’Elephant Man et de Vybz Kartel et quelques «batty man fi dead» par ci par là. Subionic est du genre à ne pas rigoler, on dirait. Toutefois, le public a l’air moins réceptif à ce genre de vibes et les 15 minutes prennent fin moins bien qu’elles n’ont commencé. Le premier round s’achève, sans élimination, l’organisation ayant décidé d’accorder un tour de chauffe aux participants.
2EME ROUND : MIX 45, REMIX, DUBPLATE (15 MINUTES)
Ruff Lion, décidé à en découdre, annonce dès son retour sur scène que pour lui, ce round sera 100 % dubplates. Le set est ouvert par un Daddy Mory sur le Golden hen riddim, suivi d’un Little Dany sur le Stalag, puis d’un Yaniss Odua sur le Peanie peanie, qui reçoit un très bon forward. Malgré une bonne petite collection de dubplate, sur de bons riddims, la sauce ne prend pas. Même le fameux Bouge d’Azrock, cut sur le Diwali riddim, ou Les mains en l’air de Straika D., sur le Mutton snappa, ne parviennent pas à leur but. Le plus gros forward de la session est sans doute pour le très beau Difanga sur le Lala bella ou pour le Straika D. sur le Doctor’s darling. Ruff Lion tentera tant bien que mal d’introduire un artiste local dans son set, Mutikafu, mais l’attention du public n’est pas acquise. On pourra regretter que cette session de dubplates n’ait été quasi exclusivement que française. En effet, on n’a pu relevé qu’un seul dub yardie, de Morgan Heritage, sur le Forever loving Jah riddim (de très bonne facture d’ailleurs), et c’est bien dommage, quand on sait ce qui va suivre…
220 Sound remonte alors sur scène et c’est de nouveau la folie. L’entrée est très originale, avec une très bonne session hip-hop sur des instrus telles que le Mek it clap de Busta Rhymes ou What’s the difference et Still D.R.E. de Dr. Dre. Contrairement à Ruff Lion, le set de 220 n’est pas exclusivement composé de dubplates, mais s’agrémente de quelques bons remixes, comme Hand up deh de Beenie Man en hip-hop ou encore le dévastateur Badness de Capleton, d’origine sur le Martial arts riddim, puis mixé sur le Di judgement. La pression ne retombe pas une seconde pendant ces 15 minutes, les cornes de brumes et les sifflets n’en peuvent plus de résonner et le public chante même en chœur sur certains cuts. Les petits gars de 220 sound semblent avoir très bien fait leur travail, ayant un bon nombre de plates enregistrés spécialement pour le championnat (des clash lyrics bouillants de Matinda, Uman ou Loo Ranks). Mais là encore, beaucoup d’artistes français et très peu de yardies ; le Sound fi dead de Buju sur le Still D.R.E et le Kimbo King de Reggie Stepper sur le Di judgement reçoivent quand même un très gros forward.
C’est alors à nouveau au tour de Sun City de se produire et la tâche n’est pas simple. Aucun dubplate lors de ce set, et toujours pas d’animation, encore moins qu’au premier round (si c’est possible). Les deux membres du sound semblent désabusés et doivent bien sentir que les carottes sont déjà cuites pour eux. Malgré le set essentiellement dancehall, avec de bonnes tueries comme le Bad company riddim (Capleton, Elephant Man et Beenie Man), la réaction du public est franchement faiblarde et les 15 minutes se passent tant bien que mal. La sélection commence même à s’essouffler un peu, avec un retour sur le Bollywood riddim, et toujours les mêmes artistes qui reviennent, Capleton, Sizzla, Sizzla, Capleton. Rien de mémorable dans ce set et le public semble même légèrement mécontent de la prestation de Sun City.
Heureusement, Blackwarrel va rattraper tout ça très vite, en jouant des riddims bien fresh, comme le Check it back ou le Alleluia, avec deux tueries de Vybz kartel, mais aussi avec de très bon dubplates locaux, notamment de Daddy Mory et de Tiwony bien sûr. Un petit tour sur l’inévitable Coolie dance riddim, avec le remix de Move ya body de Nina Sky, avec Vybz Kartel (encore lui), et c’est l’occasion d’introduire un très bon plate d’Harry Toddler. Encore quelques cuts bien originaux, comme le Respect de Frisco Kid ou un méchant clash lyrics de Daddy Mory, qui remixe son Dancehall time en Killing time. Les 15 minutes passent beaucoup plus vite qu’avec Sun City et le public semble de nouveau réjoui. Malgré encore une fois le faible nombre de plates jamaïquains, on pourra apprécier l’originalité des artistes et des riddims choisis par Blackwarrel.
Enfin, Subionic revient pour clore ce deuxième round. Le set est peut-être moins original que celui de 220 ou Blackwarrel, mais n’est pas pour autant moins efficace. Au contraire, Subionic alterne intelligemment gros hits et dubplates. Ainsi, au milieu d’Anything goes de Wayne Wonder, Lexxus et CNN, All out d’Elephant Man, Turn me on de Kevin Lyttle ou encore Pull up de Mr. Vegas, Subionic pose de gros dubplates. On retiendra un très bon Wayne Wonder sur le Bookshelf riddim et une mention spéciale sera accordée au Pull up inna di dance d’Assassin, cut sur le Coolie dance riddim (sans doute un des meilleurs plates de la soirée). Pour finir les 15 minutes, le selecta échange sa place avec le MC et anime en créole des plates locaux tout aussi dévastateur ; Tiré tchouw la de Straika D. sur le Blackout riddim fera l’effet d’une bombe.
Le round se termine ainsi et les choses sérieuses commencent vraiment pour le public, puisque qu’il s’agît alors de voter. 220 sound avec 109 et Blackwarrel avec 106 sont qualifiés d’office, alors que Sun City avec 90 est, c’était prévisible, éliminé. Cependant une égalité entre Ruff Lion et Subionic (100 chacun) obligera Natty à faire un deuxième vote, qui verra Subionic l’emporter.
3ÈME ROUND : STRICTLY DUBPLATES (15 MINUTES)
Lors du round précédent, les trois sounds encore en compétition ont montré qu’ils avaient de quoi assurer pour ce qui va suivre. Et quand 220 revient sur scène, le public survolté s’attend au mieux. Entrant avec un bon Mad Killah sur le Sleng teng, suivi d’un Azrock et d’un Yaniss Odua sur le Electric (original), le niveau est mis assez haut. Mais encore une fois, la scène française est quasi omniprésente dans ce set et à part un bon Jah Mason sur le Aaxxia, on reste un peu sur sa faim en ce qui concerne les plates yardies. Mad Killah et Azrock semblent avoir le vent en poupe, tant on les a entendus durant ce set. Mais ce qu’on retiendra le plus dans ce round de dubplates, ce sont certainement les deux très bons Soundkail et surtout l’artiste caennais, Dar-K, qu’ont présenté les membres du sound ; 18 ans à peine et déjà un très gros potentiel.
Blackwarrel, à qui on avait fait le reproche l’année dernière de trop jouer de sons locaux, montre dès son entrée qu’il a bien retenu la leçon. Et ce ne sont autres qu’Half Pint avec Greetings (belle réponse à l’entrée du 220 lors du premier round) et John Holt avec Police in helicopter, cut sur le Revolution riddim, qui ouvrent le set. Suit alors une belle petite série sur le Zion gate riddim, puis quelques Stalag, dont un Get to the point de Sizzla, voicé de façon vraiment originale. Kimbo passe alors derrière les platines pour laisser sa place au selecta et les plates locaux refont leur apparition, mais pas n’importe quels plates… Ainsi, on a pu entendre des combinaisons de Tiwony avec Buju Banton ou Elephant Man dans un style fast juggling absolument ahurissant. Pliss difé de Tiwony sur le Aaxxia finira de mettre tout le monde KO et c’est apparemment satisfait et confiant que Blackwarrel quitte la scène.
Arrive alors Subionic à nouveau. Entrée douce sur un magnifique Damage d’Anthony B., cut sur le Soul food riddim, puis un très bon Sizzla, enregistré en Jamaïque même, mais dont le son laisse un peu à désirer. La sélection est très conscious, avec One away de Sizzla et Raggy road de Capleton sur le Satta Massagana. De bons plates, mais moins originaux que ce qu’a pu nous offrir Blackwarrel. Un problème de lecture sabote littéralement la suite et pousse Subionic à changer de diamant, avant d’enchaîner avec de bons plates de Frisco Kid, Wayne Wonder (encore !) et Buju Banton sur le Joyride riddim. Agréable, mais pas tout frais tout ça.
Ni Subionic, ni 220 n’atteignent le niveau d’animation de Blackwarrel et le round se finit plutôt calmement.
Le public est alors de nouveau sollicité pour voter. Et là, c’est la surprise de la soirée ! Après un vote un peu tumultueux, puisqu’il faudra recommencer trois fois le vote pour Subionic, c’est Blackwarrel qui sort. On pourrait polémiquer longtemps sur le déroulement de ce vote, mais le résultat est là et c’est dans un souci de bien faire que l’organisation a recommencé plusieurs fois le vote, des sifflets et des larsens étant survenus lors des premiers tours d’applaudimètre.
4ÈME ROUND : DUB FI DUB (15 MINUTES)
Cette fois, il faut sortir l’artillerie lourde et les deux sounds le savent. Enfin, on entend un peu plus de dubplates yardies : Wayne Wonder sur le Real rock et sur le Tonight (Saddest day), mais aussi Bounty Killer et Anthony Johnson pour Subionic, Jah Mason sur le Kilowatt (Ill vibes) et sur le Lala bella, Reggie Stepper sur le Stalag, King Kong sur le Tonight (Trouble again). Les deux sounds se chambrent un peu, mais sans réelle agressivité. Un des meilleurs moments a sûrement été la confrontation des deux plates de Daddy Mory… En effet, Subionic introduit un de ses rares plates français et lance un des plus bad Mory jamais entendu, sur la version de Waiting in vain qui avait servi pour J’entends parler du sida, sur lequel le DJ reprend le même flot et les mêmes rimes que sur l’originale, mais avec un clash lyrics incendiaire. Ce à quoi 220 a voulu répondre avec un de ses Daddy Mory aussi, mais tellement plus plat et moins surprenant… Malheureusement pour Subionic, le public semble dévoué à 220 et quand arrive le vote, c’est ce dernier qui l’emporte par 110 à 106. Ce résultat reste pour la forme, étant donné que les deux sounds sont qualifiés pour la suite de la compétition et que ce dub fi dub ne servait qu’à décider de la date de passage de chacun d’entre eux au tour prochain.
En bref, une bonne soirée, pleine de rebondissements, mais qui manque encore un peu de dubplates jamaïquains au goût de beaucoup… Espérons que les sounds ont choisi de garder quelques bonnes surprises pour la suite de la compétition… Et espérons aussi que Blackwarrel reviendra se venger l’année prochaine, car ils méritaient vraiment de passer ce premier tour.
Article écrit par Lexxx T.
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